Avions phares

Projet Sunrise

Dans les coulisses du vol d’essai historique et ultra-secret pendant lequel l'avion Global 8000 de Bombardier a franchi le mur du son.

Des pilotes d’essai historiques.
Les pilotes d'essai de Bombardier Ed Grabman et Jeff Karnes (photo de Kacy Meinecke).

« Ping! ». L’alerte d’un message entrant se fait entendre. « Météo favorable, feu vert ». Il est environ 16 heures, le 16 mai 2021, à Santa Maria, en Californie. Les pilotes d’essai Ed Grabman et Jeff Karnes de Bombardier sont déjà prêts à entrer dans l’histoire de l’aviation. Si tout se passe comme prévu, ils franchiront le mur du son à bord de l’avion d’essai Global 8000 de Bombardier, devenant ainsi les pilotes les plus rapides de l’aviation d’affaires.

Depuis son vol inaugural du 4 novembre 2016, le biréacteur d’affaires Global 7500 a dépassé toutes les attentes. Son rayon d’action a été augmenté de 7 400 à 7 700 milles marins (de 13 705 à 14 260 km) –le plus étendu à ce jour pour un avion d’affaires de série.

Enfin, ses distances de décollage et d’atterrissage ont été réduites, ce qui a amélioré la sécurité et ouvert l’accès à plus de pistes et à des pistes plus courtes auxquelles d’autres avions similaires et même de plus petite taille ne peuvent accéder. Mais Bombardier en voulait plus, et ses ingénieurs ont réussi.

Le Global 8000 devait initialement être le petit frère, à trois zones, du Global 7500, avec une autonomie proposée de 7 900 milles marins. Cependant, en cours d’essai, puis en cours de service, l’avion Global 7500 s’est avéré si bien conçu qu’il est devenu évident qu’il pourrait offrir tout ce que le Global 8000 original devait offrir sans compromettre l’espace et le confort en cabine. Il a donc été décidé de lancer le Global 8000 comme successeur du Global 7500 avec quatre espaces habitables, un rayon d’action de 8 000 NM et, en prime : une vitesse maximale de Mach 0,94 (1 000 km/h), ce qui en fait l’avion d’affaires le plus rapide du monde.

Pour ce faire, Bombardier devait franchir le mur du son.

« Lorsque nous avons décidé d’augmenter la vitesse à Mach 0,94, je savais qu’il faudrait un vol d’essai supersonique d’au moins Mach 1,01 dans le processus de certification – qui exige que le constructeur démontre que l’avion peut voler à Mach 0,07 plus vite que sa vitesse opérationnelle maximale », explique Stephen McCullough, premier vice-président de l’Ingénierie de Bombardier. Fort de ses 30 années d’ancienneté chez Bombardier, McCullough et son équipe d’ingénieurs ont rêvé d’innovations avec 20 ans d’avance sur leur époque dans l’équivalent de Bombardier du service « Skunk Works » (pseudonyme de l’équipe de développement légendaire de Lockheed Martin). « Nous étions convaincus de l’aptitude de l’appareil à voler à plus de Mach 1, car nous avions conçu le Global 7500 avec une aile transsonique de 4e génération, qui peut fonctionner au-delà des vitesses supersoniques en poussant l’onde de choc à l’arrière de l’avion. » Lors des essais de certification, le Global 7500 avait atteint Mach 0,997 dans un vol d’essai, à peine Mach 0,003 de moins que la vitesse du son. Tous convenaient donc que l’avion serait tout à fait capable de franchir le mur du son. De fait, McCullough et son équipe étaient convaincus que l’avion se comporterait normalement bien au-delà de la vitesse du son.

Le Global 8000, le jet d'affaires le plus rapide au monde.
Une autre vue du Bombardier Global 8000 (avec l'aimable autorisation de la NASA).

Le centre d’essais en vol de Bombardier se trouve à Wichita (Kansas). Lorsque McCullough lui a demandé de planifier un vol d’essai supersonique, l’équipe n’a pas été trop étonnée. Il faut dire que les hommes et les femmes du centre d’essai ne manquent pas de sang-froid. Composée majoritairement d’anciens pilotes et techniciens militaires (elle a même déjà compté un astronaute dans ses rangs), l’équipe est formée pour repousser les limites des avions – et elle sait exactement ce qu’un avion peut soutenir. Des essais de décollage à vitesse minimale qui provoquent des étincelles à l’arrière, et des essais de freinage qui font rougir les freins, jusqu’aux essais d’ingestion d’eau et d’extinction réacteur, rien ne les décontenance.

La campagne d’essais supersoniques ultra-secrète a reçu le nom de code « Project Sunrise », car elle devait avoir lieu au petit matin ensoleillé de Santa Maria. Le jour du vol d’essai, les pilotes Jeff Karnes et Ed Grabman ont rencontré l’ingénieur en chef des essais en vol Ben Povall ainsi que toute l’équipe du centre des essais en vol dans la salle de breffage du petit aéroport de Santa Maria. Santa Maria a été construit dans les années 1940 par le Corps du génie de l’armée de terre des États-Unis, et servait surtout à la formation des équipages des avions B-25 et, plus tard, des pilotes et équipes au sol des P‑38. Aujourd’hui, Santa Maria est un aéroport public qui accueille plus de 200 avions de l’aviation générale. Avec sa longue piste et son trafic aérien limité, c’était la base d’attache parfaite pour le Projet Sunrise. Autre raison essentielle du choix de l’aéroport de Santa Maria, c’était sa proximité de la base Edwards de l’Aviation américaine, où Bombardier a contracté les services d’un Hornet F/A-18 de la NASA comme avion d’escorte et observateur officiel des vols d’essai supersoniques dans l’espace aérien militaire au large de la côte californienne.

Global 8000 pendant un essai
Le Global 8000 capturé depuis l'avion de poursuite F/A-18 de la NASA lors d'un essai

Après un breffage pré-vol d’une heure, Grabman, Karnes et Povall sont montés à bord de l’avion. Compte tenu de la haute altitude de l’essai, ils devaient enfiler combinaison de vol, casque et masque à oxygène, conformément au protocole de sécurité des essais en vol de Bombardier. L’avion a décollé à 7 heures et a monté à 40 000 pieds, où il avait rendez-vous avec l’avion d’escorte de la NASA – que le copilote Jeff Karnes connaissait bien. « Je l’ai vu par la fenêtre et j’ai tout de suite reconnu le même Hornet F/A-18B que j’avais piloté quand j’étais membre de l’escadron des avions d’essai (maintenant le VX-23) à la base aérienne de Patuxent River de la Marine américaine, au Maryland. La NASA ne l’avait pas même repeint, et il arborait encore les couleurs des VX-23 Salty Dogs de mes années de pilote d’essai dans la Marine. »

Volant en formation, les deux avions ont monté à une altitude de 50 000 pieds, où le pilote du F/A-18 a fait appel à ses brûleurs de postcombustion pour réussir à suivre l’ascension de l’avion d’essai Global 8000. À l’altitude convenue, l’avion a commencé sa descente en accélération vers le Mach cible pour commencer le premier de plusieurs essais. Ceux-ci comprenaient des évaluations de contrôlabilité de roulis, lacet et tangage, suivies de remontées de 1,5 à 2,0 G avec déporteurs déployés, tout en se rapprochant de plus en plus de la vitesse du son.

Après une montée finale à 50 000 pieds, avec l’avion d’escorte en position et l’équipe de la salle de télémétrie au sol à Santa Maria qui confirmait que l’équipement de surveillance était bien opérationnel, il ne restait qu’à écrire une page d’histoire. Tous les mois de planification, de préparation et de formation aboutissaient à cet instant-là. Jeff a légèrement pointé le nez de l’avion vers le bas, poussé les manettes et observé le Mach augmenter, Mach 0,95, Mach 0,96, Mach 0,97, Mach 0,98, Mach 0,99. Puis Jim Less, le pilote de l’avion d’escorte de la NASA, s’est exclamé dans son casque d’écoute « Nous y sommes, je le sens. Nous atteignons Mach 1. » Sur l’affichage de vol principal, l’indicateur de Mach a dépassé 1,0, confirmant que l’avion avait atteint la vitesse supersonique comme prévu, sans aucun problème de contrôle.

Ed, Jeff et Ben ont ainsi marqué l’histoire de l’aviation, en devenant les pilotes les plus rapides de l’aviation d’affaires et en intégrant Bombardier pour toujours dans les annales de l’aviation comme le constructeur du premier avion d’affaires sur mesure à effectuer officiellement un vol supersonique, et ce, avec du carburant d’aviation durable (SAF). Pendant quelques heures, ils ont répété les essais supersoniques, allant graduellement de plus en plus vite, franchissant maintes fois le mur du son jusqu’à atteindre finalement une vitesse maximale de Mach 1,015.

À l’atterrissage, les hommes les plus rapides de l’aviation d’affaires ont eu droit à un accueil de stars par l’équipe de Santa Maria, mais sans paparazzis. Le Projet Sunrise s’est déroulé sous le sceau du secret, où tous, y compris l’équipe vidéo présente pour le documenter, avaient signé une entente de confidentialité. Il était essentiel que rien ne transpire à propos de ce vol – surtout chez les concurrents de Bombardier – tant que le Global 8000 n’était pas officiellement présenté au monde. Ce grand jour a eu lieu presque exactement un an plus tard, le 23 mai 2022, au salon annuel 2023 de l’aviation d’affaires européenne (EBACE) à Genève, où le Projet Sunrise a été rendu public pour la première fois. La réaction du monde entier a été sensationnelle, suscitant l’intérêt des médias de toute la planète et de presque toutes les grandes plateformes de nouvelles, ainsi que l’enthousiasme des clients de Bombardier. L’avion Global 8000 de Bombardier avait volé plus vite que tout autre avion civil depuis le Concorde, inaugurant une nouvelle ère pour l’aviation d’affaires.

L’avion Global 8000 a inscrit le nom de Bombardier dans les manuels d’histoire. C’est le premier avion d’affaires à effectuer des vols supersoniques.

Ed, Jeff et Ben ont ainsi marqué l’histoire de l’aviation, en devenant les pilotes les plus rapides de l’aviation d’affaires et en intégrant Bombardier pour toujours dans les annales de l’aviation comme le constructeur du premier avion d’affaires sur mesure à effectuer officiellement un vol supersonique, et ce, avec du carburant d’aviation durable (SAF). Pendant quelques heures, ils ont répété les essais supersoniques, allant graduellement de plus en plus vite, franchissant maintes fois le mur du son jusqu’à atteindre finalement une vitesse maximale de Mach 1,015.  

À l’atterrissage, les hommes les plus rapides de l’aviation d’affaires ont eu droit à un accueil de stars par l’équipe de Santa Maria, mais sans paparazzis. Le Projet Sunrise s’est déroulé sous le sceau du secret, où tous, y compris l’équipe vidéo présente pour le documenter, avaient signé une entente de confidentialité. Il était essentiel que rien ne transpire à propos de ce vol – surtout chez les concurrents de Bombardier – tant que le Global 8000 n’était pas officiellement présenté au monde. Ce grand jour a eu lieu presque exactement un an plus tard, le 23 mai 2022, au salon annuel 2023 de l’aviation d’affaires européenne (EBACE) à Genève, où le Projet Sunrise a été rendu public pour la première fois. La réaction du monde entier a été sensationnelle, suscitant l’intérêt des médias de toute la planète et de presque toutes les grandes plateformes de nouvelles, ainsi que l’enthousiasme des clients de Bombardier. L’avion Global 8000 de Bombardier avait volé plus vite que tout autre avion civil depuis le Concorde, inaugurant une nouvelle ère pour l’aviation d’affaires. 

Des pilotes d’essai historiques.
Les pilotes d'essai de Bombardier Ed Grabman et Jeff Karnes (photo de Kacy Meinecke).

Ce matin-là, au siège social du Centre des essais en vol de Bombardier à Wichita (Kansas), Ed, Jeff et Ben étaient de nouveau dans la salle de breffage à planifier leur prochaine mission. Ces héros de l’ombre, pendant que leur exploit était salué à des milliers de kilomètres de là, vaquaient à leurs occupations comme si de rien n’était. Bien que le soleil se soit couché sur le Projet Sunrise, soyez assurés que Stephen McCullough et son équipe d’ingénieurs travaillent encore d’arrache-pied à trouver de nouvelles façons de repousser les limites du possible, afin que Bombardier continue de tracer de nouveaux sillages dans le ciel pour l’aviation d’affaires.

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